Centre Technique Industriel de la Plasturgie et des Composites

MENU
Déchets de production et réutilisation dans ses produits

Déchets de production : ce qui change avec la loi Industrie Verte

Actualités, Réglementation

Publié le : 30/11/2023 par Sofia KAZAKOVA

La limitation de la consommation et du gaspillage des matières premières est un des leviers essentiels pour la réduction de l'impact environnemental des entreprises.

Déchets de production, ce que dit la loi

L’essence même de l’économie circulaire est la limitation de la consommation et du gaspillage des matières premières dont l’un des leviers essentiels est la valorisation des déchets industriels issus notamment de la production. Pouvoir produire en utilisant des déchets est aujourd’hui un enjeu crucial et le législateur l’a bien compris. C’est ainsi que la loi « INDUSTRIE VERTE » d’octobre 2023 « officialise » dans le texte de loi la possibilité pour un industriel de pouvoir fabriquer un produit à partir des déchets, sans que le produit ainsi fabriqué soit considéré lui-même comme un déchet. Il s’agit ici, de la reconnaissance législative de la sortie « implicite » du statut des déchets !

Décryptage

L’objectif de cette reconnaissance

Le législateur (tant français qu’européen) est conscient que dans le monde d’aujourd’hui les déchets peuvent avoir une utilité et par conséquent une valeur économique. Pour cela, la loi, issue d’une transposition d’une directive européenne, permet à un déchet de quitter son statut de déchet afin que celui-ci retrouve le statut d’un produit. Ce retour est possible à travers une opération de valorisation comme le recyclage ou une préparation en vue d’une réutilisation (article L541-4-3 code environnement).

Cette procédure est-elle ouverte à toutes les entreprises ?

Auparavant, la possibilité d’engager une procédure de sortie du statut de déchet était uniquement ouverte pour les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) ou une IOTA (installations, ouvrages, travaux et activités prévus au titre de la législation de l’eau). Seuls ces acteurs pouvaient opérer des opérations de valorisations et donc étaient un passage obligatoire.

Désormais, puisque la loi souhaite encourager la valorisation des déchets, cette procédure volontaire est ouverte à tous les producteurs et détenteurs de déchets (article D541-12-7 code de l’environnement).

La nouveauté :  la reconnaissance législative de la sortie « implicite » du statut de déchet et fixation de ses critères et conditions

Avant la loi Industrie Verte

Procédure dite « explicite » de sortie du statut de déchet

Cette sortie du statut de déchet dite « explicite » couvrirait l’hypothèse dans laquelle le déchet va pouvoir quitter son statut de déchet et retrouver le statut de produit car le respect d’un certain nombre de conditions et de critères peut être démontré notamment à travers la mise en place d’un système de gestion de la qualité (article D541-12-14 code de l’environnement).

C’est en cela que la procédure est dite « explicite » car une procédure bien précise et bien identifiée a été suivie.

L’ancien texte de loi fixait déjà les conditions et critères à respecter afin que le déchet puisse « explicitement » quitter son statut de déchet (article L541-4-3 code environnement).

Procédure dite « implicite » de sortie du statut de déchet

Cette sortie « implicite » recouvre l’hypothèse suivante : l’objet qui serait fabriqué dans une installation de production qui utilise pour tout ou partie des déchets comme matières premières, n’a pas le statut de déchet.

Donc l’objet élaboré à partir des déchets, ne prend pas lui-même le statut de déchet.

C’est en cela, que l’on dit qu’un tel produit réalise une sortie « implicite » du statut de déchet.

Cette sortie « implicite » était simplement brièvement évoquée dans un avis du 13 janvier 2016 (dont la valeur juridique était incertaine) sans qu’aucune condition ni critère précis ne soit établit.

Donc l’ancien texte de LOI était totalement MUET quant à une telle sortie « implicite » et donc à ses critères et conditions.

Après la loi Industrie Verte

Procédure dite « explicite » de sortie du statut de déchet

Aucun changement : le texte fixe toujours ces conditions et critères à respecter pour opérer une sortie « explicite » du statut de déchet.

Procédure dite « implicite » de sortie du statut de déchet

Désormais, le nouvel article L541-4-3 du code de l’environnement fixe des critères et conditions précis pour qu’un objet fabriqué en tout ou partie à partir de déchet, ne soit pas qualifié lui-même de déchet mais de produit.

La loi « INDUSTRIE VERTE » reconnait officiellement l’hypothèse de la sortie « implicite » du statut de déchet et fixe ses critères et conditions précis.

Les conditions et critères à respecter pour la sortie « implicite » du statut de déchet

La loi « INDUSTRIE VERTE » d’octobre 2023 a ajouté l’alinéa suivant à l’article L541-4-3 du code de l’environnement :

« Une substance ou un objet élaboré dans une installation de production qui utilise pour tout ou partie des déchets comme matière première n’a pas le statut de déchet si cette substance ou cet objet est similaire à la substance ou à l’objet qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets, sous réserve que l’exploitant de l’installation de production respecte les conditions mentionnées au I ».

Deux conditions devraient à priori être respectées pour pouvoir se prévaloir de la sortie « implicite » du statut de déchet :

  1. L’objet (ou substance) fabriqué en tout ou partie à partir des déchets devrait être similaire à l’objet (ou substance) qui aurait été produit en utilisant des ressources vierges. ATTENTION – en cas d’utilisation comme matière première des déchets susceptibles d’être dangereux le législateur précise que l’exploitant de l’installation de production sera dans l’obligation de transmettre à l’autorité administrative compétente les « éléments de justifications nécessaires », dont les essais réalisés.
  2. Le respect des mêmes conditions que celles de la procédure dite « explicite » de la sortie du statut de déchet :
  • Usage : la substance ou l’objet est utilisé à des fins spécifiques
  • Marché : Il existe une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché
  • Technique et législation/normes : La substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits
  • Santé et environnement : Son utilisation n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine

C’est à l’autorité administrative compétente de définir des critères permettant de répondre aux quatre conditions ci-mentionnées et ils sont fixés pour chaque type de déchet.

En conclusion, si l’on parvient à fabriquer un objet (ou une substance) à partir des déchets et que cet objet est similaire à celui qui aurait été fabriqué en ayant utilisé de la matière première « vierge » et qu’on respecte les quatre conditions ci-mentionnées, l’objet ainsi fabriqué serait un produit et non pas un déchet.

Le seul point qui laisse planer l’incertitude sur la reconnaissance législative d’une telle procédure « implicite » est la notion « d’installation de production » que le législateur n’a malheureusement pas définie.

Quelle législation le produit fabriqué à partir de déchet doit-il respecter ?

La loi prévoit que toute personne physique ou morale qui :

  • met pour la première fois sur le marché une matière ou un objet après qu’il a cessé d’être un déchet

OU

  • qui utilise pour la première fois une matière ou un objet qui a cessé d’être un déchet et qui n’a pas été mis sur le marché

veille à ce que cette matière ou cet objet respecte les exigences pertinentes de la législation applicable sur les substances chimiques et les produits (dont REACH).

Les objets ayant cessé d’être des déchets cessent-ils d’être soumis à la législation relative au transfert de déchets ?

NON car selon l’article L541-4-3 du code de l’environnement « Les substances ou objets ayant cessé d’être des déchets [….] restent soumis au régime des déchets […] concernant les transferts de déchets, sauf si l’exportateur apporte la preuve que l’autorité compétente de destination [….], sollicitée sur la classification de la substance ou de l’objet faisant l’objet du transfert, n’a pas émis d’objection ».

 Disclaimer – Cette rubrique relate simplement l’état de la législation/réglementation telle qu’elle existe au jour de sa rédaction et surtout telle qu’elle est comprise par nos services. Elle ne pourra en aucun cas engager ni la responsabilité du CTI ni celle du rédacteur. Aucune action ne devrait être entreprise sur le fondement du présent article et sans la consultation d’un conseil professionnel.

Institut CarnotRéseau CTIISO 9001 SGS